En regardant un soir le formidable « Land & Freedom » de Ken Loach, je suis amusé dés les premières images du choix de ce film. Une jeune femme, juste après la mort de son grand-père, retrouve dans ses vieilles malles oubliées des coupures de journaux et des lettres de ce dernier sur la guerre d’Espagne pour laquelle il s’était engagé dans les Brigades Internationales.
Quelques heures avant, en discutant en famille, j’étais tombé sur un mail de ma mère racontant le parcours de mon grand-père à moi – son père donc – à son frère curieux. Il apparaîtrait que chez-moi les gens sont curieux d’un passé trop peu connu, et y cherchent volontiers je ne sais quoi. Son parcours est atypique, un destin digne d’un roman. Jeune ariégeois venant d’apprendre le métier de pâtissier, il part rapidement au début des années 1900 bosser à Nice, Monte Carlo, puis l’Italie, jusqu’à Naples qu’il trouvera trop chaude pour lui. Puis il s’installe en Suisse où il tombe amoureux de sa future femme, accueilli dans sa famille. Il se fiance, et part bosser en Londres au Carlton quelques temps pour gagner de l’argent en promettant le mariage. C’était en 1914, et la guerre le rattrape. Il retourne en France pour combattre, est blessé – des éclats d’obus dans les reins et l’anus – hospitalisé à St-Germain-En-Laye, et est rapatrié en Angleterre pour se soigner. D’Angleterre, il se retrouve en Ecosse au service d’une comtesse chez qui il va vivre quelques années. En 1924, il se rappelle aux bons souvenirs de sa belle suissesse, et lui demande si elle est toujours libre. Cette dernière allait se marier avec un instituteur, mais abandonne tous ses projets pour le rejoindre. Ma mère naitra en 1930, quelques années après une grande sœur. Je passe vite sur la suite – retour en Ariège, puis Rouen, les bombardements, la seconde guerre mondiale, retour en Ariège définitif où il tiendra une pâtisserie, puis un hôtel…
Je l’ai très peu connu, il est décédé quand j’avais 8 ou 10 ans. Je me souviens qu’il parlait beaucoup de la guerre de 14-18, et qu’il avait oublié la seconde. J’aime bien une vieille photo en noir et blanc dans laquelle il imite Charlie Chaplin. J’ai encore moins connue ma grand-mère, je me souviens surtout de son Parkinson et de ses tremblements. Je gardais aussi un grand souvenir du pâtissier qui faisait toujours des dizaines de gâteaux. De moi enfant, entre ses bras, dessinant avec la poche à douille emplie de Chantilly. Ma mère m’a indiqué que ce souvenir précis était le jour de ses 80 ans.
Ma mère aura quatre garçons, moi compris. Bon, l’un n’est qu’adoptif, mais ça compte si peu. Surtout que lui est né à Oran, en Algérie. Quelle hérédité a fait que sur les quatre, deux vivent à l’autre bout du monde depuis tant d’années dans le pays du Soleil Levant, et qu’un troisième a vécu aux Antilles et au Vénézuela ? Que sur les quatre, trois se sont mariées avec une étrangère ? Vous y croyez-vous à la psychogénéalogie ? Ou au hasard ?