Pour en finir avec Michaux

Parce qu’il commence à être omniprésent en ce lieu, et que l’on va finir pas penser que je suis monomaniaque !

Alors, pour en finir avec Michaux, cet écrivain de l’aventure intérieure renvoyant les psys à leurs chères études, quelques bribes de mots trouvées par ci, par là…

La plus grande fatigue de la journée et d’une vie serait due à l’effort, à la tension nécessaire pour garder un même moi à travers les tentations continuelles de le changer.
On veut trop être quelqu’un.
Il n’est pas un moi. Il n’est pas dix moi. Il n’est pas de moi, MOI n’est qu’une position d’équilibre.

Henri Michaux – Plume, Postface

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AU COMMENCEMENT EST LA DEMEURE, le local d’habitation, ce qui entoure, contraignant par excellence, la maison.
L’enfant est pour les mouvements libres. Le petit d’homme, dès les premières années la maison siège d’interdits nombreux, l’impressionne.
Dans cette prison « demeurent » et sont « à demeure » des meubles et objets lourds (…)
Ce « tout » contraignant, symbole des contraintes et des règles, ces murs qui enserrent, séparent, enferment inflexiblement, représentation par excellence de l’adulte, du terminé, du figé, là où il ne se passe plus rien : la « demeure », cela ne pourrait-il pas à son tour être attaqué, brimé… et qu’on s’en amuse ?

Henri Michaux — Une voie pour l’insubordination, le Poltergeist, 1980

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Vers la sérénité.

Celui qui n’accepte pas ce monde n’y bâtit pas de maison. S’il a froid, c’est sans avoir froid. Il a chaud sans chaleur. S’il abat des bouleaux, c’est comme s’il n’abattait rien. Mais les bouleaux sont là par terre et il reçoit l’argent convenu, ou bien il ne reçoit que des coups. Il reçoit les coups comme un don sans signification et il repart sans s’étonner.

Il boit l’eau sans avoir soif. Il s’enfonce dans le roc sans se trouver mal. La jambe cassée, sous un camion, il garde son air habituel et songe à la paix, à la paix, à la paix si difficile à obtenir, si difficile à garder, à la paix.

Sans être jamais sorti, le monde lui est familier. Il connaît bien la mer. La mer est constamment sous lui, une mer sans eau mais non pas sans vague mais non pas sans étendue. Il connaît bien les rivières. Elles le traversent constamment, sans eau mais non pas sans langueur mais non pas sans torrents soudains.

Des ouragans sans air font rage en lui. L’immobilité de la terre est aussi la sienne. Des routes des véhicules des troupeaux sans fin le parcourent, et un grand arbre sans cellulose mais bien ferme mûrit en lui un fruit amer, amer souvent doux rarement.

Ainsi à l’écart, toujours seul au rendez-vous, sans jamais retenir une main dans ses mains, il songe l’hameçon au cœur, à la paix, à la damnée paix lancinante, la sienne et à la paix qu’on dit être par-dessus cette paix. »

Henri Michaux – La nuit remue, 1934

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