Grisélidis Réal, catin révolutionnaire

L’écrivain suisse Grisélidis Réal est décédée le 30 mai 2005 à l’âge de 76 ans d’un cancer dans une clinique de Genève. La Lausannoise était célèbre pour avoir fait de son expérience de prostituée la matière de ses livres.

Née à Lausanne en 1929, Grisélidis Réal est notamment l’auteur des romans autobiographiques «Le noir est une couleur» (1974) et «La Passe Imaginaire» (1992) ainsi que du «Carnet de bal d’une courtisane»

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Extraits d’une Interview de Grisélidis Réal :

Alain‑Pierre Pillet, pour Pris de Peur : Qu’est‑ce que la fureur érotique ?

Grisélidis Réal : La fureur érotique est dans l’imaginaire un délire sans tabou ni frontières qu’il s’agit par une alchimie savante de canaliser et de réaliser sans trop de dégâts dans la pratique amoureuse et sexuelle : cannibalisme, viol, meurtre, corps tailladé, déchiqueté, brûlé sur l’autel de la passion et des pulsions chamelles. Tout se transmute, se sublime, se métamorphose en caresses, en savantes pénétrations, succions, baisers, échauffements, coups et pressions, étreintes et fusions qui vont de l’extrême douceur à l’extrême brutalité sans dépasser l’extrême limite séparant la vie de la mort.

Alain‑Pierre Pillet : Votre plus belle caresse ?

Grisélidis Réal : Prendre religieusement la queue d’un homme aimé dans ma bouche en la parcourant de petits coups de langue et de doigts comme en jouant de la harpe, d’une main mouillée de salive, et de l’autre pénétrer astucieusement son anus du doigt principal enduit de vaseline Monot (la meilleure), et une fois bien introduit, câliner la prostate, l’outrager, la toucher par de délicats tapotements jusqu’à la faire gonfler et durcir pour l’explosion finale, quand le sperme jaillit et que la prostate l’accompagne en sautant dans sa cage de boyau comme une tête d’oiseau pris au piège.

Alain‑Pierre Pillet : Que vous a‑t‑on demandé qui vous ait tiré des larmes ?

Grisélidîs Réal : Un jour, quand je me prostituais dans la Vieille Ville de Genève, j’ai rencontré un homme qui me fit cette confidence terrible, nu sur mon lit, après m’avoir payée : « Ma femme est morte il y a quatre mois et ce soir, c’est la première fois que je refais l’amour ».
La proximité de cette morte que je devais représenter s’est glissée entre lui et moi, m’a glacé le corps, m’a remplie d’épouvante, de culpabilité, de compassion, de douleur et de respect pour l’homme abandonné et la femme disparue. Je l’ai sentie, Elle, se coucher entre nous, en moi, revivre entre nos chairs : j’étais tout à la fois sa résurrection et sa trahison, ses larmes de mortes et. les miennes vivantes ont jailli et se sont rejointes, mêlées à la jouissance de l’homme.

Alain‑Pierre Pillet : Le désir change‑t‑il de sujet ?

Grisélîdis Réal : Chaque corps, chaque être, chaque représentation de l’amour est comme un navire changeant d’océan, appelant àson rythme un nouveau voyage, mystérieux, profane, criminel, avec ses exigences,ses confusions, ses rédemptions… il faut gonfler les voiles, faire reluire la coque, se laisser emporter, naufrager et jeter sur des rivages occultes chaque fois inconnus et chaque fois pareils.

Alain‑Pierre Pillet : Qui aimez‑vous ?

Grisélidis Réal : Tous les hommes, et pourtant je préfère l’Inaccessible. l’Interdit, le seul Grand Maître des violences oniriques, celui à qui l’on n’a accès qu’en esprit en sachant qu’il nous est dérobé pour la vie et l’éternité.

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