Alto Sax

Alto sax on a leather chair, by brendan65, Deviant Art

 

« Je n’aime pas le jazz, seulement quelques musiciens comme Eric Dolphy ou Jacie McLean. Eux ne sont pas seulement des jazzmen, mais bien plus… » Ces mots de Serge Gainsbourg, je les ai lu sur un Jazz Mag, probablement dans les années 80. Cette façon de ressortir ainsi quelques musiciens, et justement des saxophonistes alto, en les plaçant « au-delà » m’avait surpris à l’époque. Mais à moitié. Il se trouve que beaucoup d’altistes ont une place privilégiée dans mon panthéon personnel. Quatre notamment : Charlie Parker, Jackie McLean, Art Pepper et Eric Dolphy.

Voici donc une playlist alto, pour le plaisir, une sélection très personnelle.

 

 

 

 

Portrait of Charlie Parker, Carnegie Hall, New York, N.Y., ca. 1947 (LOC) Gottlieb, William P., 1917

 

Charlie Parker est assurément le premier grand altiste qui révolutionne la musique de jazz en inventant, avec quelques comparses, le bebop. Accélération des phrases sur tempo rapide, improvisation sur les structures harmoniques, mais aussi et surtout une sensibilité à fleur de peau.

 

Charlie Parker, Jam Session, Verve, Norman Granz

Funky Blues – Charlie Parker on Verve, Volume 8 – Alto sax : Benny Carter, Johnny Hodges, Charlie Parker ; tenor sax : Ben Webster, Flip Phillips ; trumpet : Charlie Shavers ; guitar : Barney Kessel ; piano : Oscar Peterson ; bass : Ray Brown ; drums : J.C. Heard.  Radio Recorders, Los Angeles, CA, July, 1952

L’occasion d’écouter en même temps les premiers maitres swing de l’instrument, Benny Carter et le fidèle compagnon de Duke Ellington, Johnny Hodges.

 

 

Charlie Parker, Complete Savoy Recordings
Parker’s mood – Charlie Parker All Stars, Savoy –
Charlie Parker, alto sax; John Lewis, piano; Curly Russell, bass; Max Roach, drums. Harry Smith Studios, NYC, September 18, 1948

Titre emblématique du Bird, toute la technique de l’artiste au service de la sensibilité et du blues.

 

 

Charlie Parker, Bird of Paradise, Dial
Bird of Paradise – Original Charlie Parker Quintet, Dial – Miles Davis, trumpet; Charlie Parker, alto sax; Duke Jordan, piano; Tommy Potter, bass; Max Roach, drums. WOR Studios, NYC, October 28, 1947

Difficile de se limiter à deux titres, l’exercice est difficile. Sans trop réfléchir, Bird of Paradise fera l’affaire.
 

 

 

Sonny Stitt, Work Done, Highnote

You are the sunshine of my life – -Sonny Stitt – Work Done, Highnote – Sonny Stitt, alto sax ; Ed Kelly, piano ; Ray Drummond, bass ; Smiley Winters, drums. Recorded live at The Keystone Korner, San Francisco, CA in 1976

Sonny Stitt est, après Bird, le saxophoniste alto du bebop. Son principal suiveur diront les mauvaises langues. Grand technicien, le « loup solitaire » a voué sa vie à la musique : une centaine d’albums, des tournées interminables – cet enregistrement a lieu 3 ans avant son décés en 1982 à l’âge de 58 ans. Sonny Stitt a également la particularité de jouer autant du ténor que de l’alto.

 

 

Julian Cannonball Adderley, Somethin' Else, Blue note Autumn Leaves – Julian « Cannonball », Adderley Somethin’ Else, Blue Note – Miles Davis, trumpet ; Julian « Cannonball » Adderley, alto sax ; Hank Jones, piano ; Sam Jones, bass ; Art Blakey, drums. Recorded on March 9, 1958.

Julian « Cannonball » Adderley est un altiste virevoltant et joyeux, qui a participé à au moins deux grands albums de l’histoire du jazz, le fameux Kind of Blue, et ce formidable Somethin’ Else. Tout est remarquable dans cette version des Feuilles mortes, du tempo original aux perles finales du pianiste Hank Jones.

 

Charles Mingus, The Clown, Atlantic

Reincarnation of the love bird – The Charles Mingus Jazz Workshop, The Clown, Atlantic – Curtis Porter, alto sax ; Jimmy Knepper, trombone ; Wade Legge, piano ; Charles Mingus, bass ; Danny Richmond, drums. Recorded at Atlantic Studio, 1961

Shafi Hadi, Curtis Porter sous son vrai nom, est surement l’altiste le moins réputé de cette sélection, mais j’ai une affection particulière pour cet artiste, pour cet album de Charles Mingus, et particulièrement pour ce titre qui voit la beauté naitre du chaos dans une harmonie rarement entendue saxophone/trombone. Peu d’albums, aucun à son nom – Shafi Hadi aura juste co-signé avec Mingus la bande son du film Shadows de John Cassavetes.

 

Jackie McLean at Keystone Korner SF 12/82 (Photo: Brian McMillen)

 

Jackie McLean est un altiste à part, un musicien au jeu incandescent. Peut-être le premier boppeur à aller s’aventurer dans des dissonances free. Il y trouvera le terrain de jeu le plus propice à exprimer sensibilité et expressivité. Un passeur.

 

 

 

 

Charles Mingus, Pithecanthropus Erectus, Atlantic

Profile of Jackie – Charles Mingus, Pithecanthropus Erectus, Atlantic –  Jackie McLean, alto sax ; J.R. Monterose, tenor sax ; Mal Waldron, piano ; Charles Mingus, bass ; Willie Jones, drums. Recorded at Atlantic Studio, 1956.

Titre le plus sage de cet album fou, furieux et strident de Charles Mingus, Profile of Jackie est l’hommage rendu au saxophoniste par le bassiste qui aimait tant les altistes – Shafi Hadi et Eric Dolphy sont présents ici, on peut également citer Charles McPherson.

 

Jackie McLean, Let Freedom Ring, Blue note

Melody for Melonae – Jackie McLean, Let Freedom Ring, Blue Note – Jackie McLean, alto sax ; Walter Davis, piano ; Herbie Lewis, bass ; Billy Higgins, drums. Recorded at Van Gelder Studio, Englewood Cliffs, New Jersey, 1962.

Let Freedom Ring est véritablement l’acte de naissance de Jackie McLean en tant que leader – il a pourtant réalisé 5 albums avant celui-ci. Dans ce titre en hommage à sa fille Melonae, le musicien développe son jeu incandescent rempli de dissonances et de cris.

 

Art Pepper in 1979, Southern California, USA, photographer: Nathan Callahan, CC

En californien qu’il est, Art Pepper est un représentant de la West Coast et du Jazz Cool, longtemps opposé au bop de la Côte Est. Et à ce titre, Art Pepper n’est pas un suiveur de Charlie Parker, à l’instar de l’autre grand altiste californien Lee Konitz – on pourrait aussi citer Paul Desmond et son fameux Take Five. Art Pepper a développé son propre style, unique.
La triste particularité de l’artiste sera hélas son addiction à l’héroïne, ce qui lui vaudra de nombreux arrêts (incarcérations, désintoxication…). Au fur et à mesure de ses pointillés, son jeu que l’on pourrai qualifier de « pur » à ses origines devient de plus en plus torturé, et prend dans le même temps une étonnante épaisseur.
Straight Life, son autobiographie éditée en 1980 et coécrite avec sa femme Laurie est un témoignage bouleversant sur sa vie.

Art Pepper, Straight Life, Galaxy
Nature Boy – Art Pepper, Straight Life, Galaxy – Art Pepper, alto sax ; Tommy Flanagan, piano ; Red Mitchell, bass ; Billy Higgins, drums. Recorded September 21, 1979 at Fantasy Studios, Berkeley, CA

Art Pepper de retour après une cure de désintoxication, et quelques années avant sa mort (1982). Une démonstration de beauté.

 

Milcho Leviev Quartet, Blues for the Fisherman, Mole Jazz

Make a List, Make a Wish – The Milcho Leviev Quartet, BLues for the Fisherman, Mole Jazz – Art Pepper, alto sax ; Milcho Leviev, piano ; Tony Dumas, bass ; Carl Burnett, drums. Recorded by Tri-Arts Associates Limited for TAA/Mole Record Productions at Ronnie Scott’s on Friday/Saturday/Sunday 27/28/29 June 1980.

C’est avec le prodigieux pianiste bulgare Milcho Leviev que Art Pepper jouera ses dernières et plus belles pièces. Ce Make a List, Make a Wish est un chef d’œuvre d’intensité. Je n’ai hélas jamais retrouvé la verve d’une version écoutée à la radio lors du festival de jazz de Nice la même année je crois…

 

Eric Dolphy, Portrait, Out to Lunch by Kansasj, Deviant Art


Eric Dolphy
est un des principaux OVNIS de l’histoire de Jazz. Désigné à juste titre comme passeur par le journaliste réalisateur Jean-Louis Comolli, il a toujours suivi sa ligne, à contre courant du beau et du classique. Il joue sur le fameux Freejazz d’Ornette Coleman, dans le subtil orchestre de chambre de Chico Hamilton, avec John Coltrane et Charles Mingus, George Russell et le trop méconnu trompettiste Booker Little.
Multi-instrumentiste de génie, Eric Dolphy jouaite du sax alto, de la flute et de la clarinette basse.

 

 

Ezz-thetics, Georges Russel Sextet, Riverside

‘Round Midnight – Georges Russell Sextet, Ezz-thetics, Riverside – Eric Dolphy, alto sax ; Don Ellis, trumpet ; Dave Baker, trombone ; Georges Russell, piano ; Steven Swallow, bass ; Joe Hunt, drums. Recorded at Plaza Sound Studios in New York, May 8, 1961. 

Pour beaucoup, le titre qui fait passer le jazz dans une autre dimension grâce au solo d’Eric Dolphy ! Comme souvent chez-lui, beaucoup de respect ici pour le fameux standard de Thelonious Monk arrangé par Georges Russell, dans l’interprétation du thème, puis il part ailleurs…

 

Eric Dolphy with Booker Little, Far Cry, Original Jazz Classics, New Jazz


Tenderly – Far Cry, Eric Dolphy with Booker Little, Original Jazz Classics / New Jazz – Eric Dolphy, alto sax solo. Recorded at Van Gelder Studio, Englewood Cliffs, NJ; December 21, 1960.

Eric Dolphy aimait jouer en solo, en voici donc un joué au saxophone alto dans cette playlist.

 

 

Ornette Coleman, photo by Mike Licht, NotionsCapital.com

Ornette Coleman est le quasi inventeur de l’expression free jazz avec son album de 1960 : Free Jazz : a collective improvisation, dans lequel il développe également son idée de double quartet. Génie pour les eux, imposteur pour les autres, il crée le concept d’harmolodie, façon de jouer une mélodie à plusieurs hauteurs et sur plusieurs tonalités.
On oublie souvent de noter combien la musique de ce multi-instrumentiste (il joue également de la trompette et du violon) est belle…

 

Ornette Coleman, The Shape of Jazz to Come, AtlanticLonely Woman – Ornette Coleman, The Shape of Jazz to Come, Atlantic – Don Cherry, trumpet ; Ornette Coleman, alto sax ; Charlie Haden, bass ; Billy Higgins, drums. Recorded at Atlantic Studio, 1959.

La composition la plus célèbre d’Ornette Coleman et l’introduction parfaite dans son bel et étrange univers musical.

 

Ornette Coleman, The Quartet & Prime Time, In All Languages, Caravan of Dreams Production

In All Languages – Ornette Coleman, In all Languages : the Quartet & Prime Time, Caravan of Dreams Production – Ornette Coleman, alto sax ; Don Cherry, trumpet,  Charlie Haden, double bass ; Billy Higgins, drums. Recorded at Acoustilog Studios, New York City, 1987.

Dans In All Languages, Ornette Coleman joue à la fois avec son quartet historique et avec son double quartette (deux guitares, deux basses électriques, deux batteries). Le titre éponyme que j’ai choisi est interprété avec sa formation classique.

 

 

Steve Coleman and Five Elements, Functionnal Arrithmies, Pi Recordings

Medulla-Vagus – Steve Coleman and Five Elements, Functionnal Arrithmies, Pi Recordings – Steve Coleman, alto sax ; Jonathan Finlayson, trumpet ; Miles Okazaki, guitar ; Antony Tidd, bass ; Sean Rickman, drums. Recorded at Systems Two, Brooklyn, NY, May 8th and 9th, 2012.

Steve Coleman est assurément un des musiciens les plus originaux de ces dernières années, avec un jazz rythmé et funky intégrant des concepts comme la composition spontanée, la géométrie sacrée et l’énergie.

 

 

News For Lulu, John Zorn, Georges Lewis, Bill Frisell, Hat Art

Olé – John Zorn, George Lewis & Bill Frisell ; News for Lulu ; Hat Art – John Zorn, alto sax ; George Lewis, trombone ; Bill Frisell, guitar. Recorded digital two-track live at Soundville Recording Studio Lucerne on 7/28/87.

Je trouve assez réjouissant de terminer cette playlist avec John Zorn, musicien atypique s’il en est. Musicien, compositeur, producteur, interprète de jazz comme de Klezmer, de death metal, de punk hardcore, de musique classique, compositeur de musique de films ou d’animés. Ici, sur ce titre de Freddie Redd, il joue du jazz latin avec verve et enthousiasme.

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