Pourquoi est-ce que je n’aime pas la Poésie pure ?
Oui, pourquoi ? Mais pour la simple et même raison qui fait que je déteste le sucre à l’état pur ! A quoi nous sert le sucre ? Mais à sucrer notre café, et l’on ne saurait vraiment le manger à pleines cuillerées comme une quelconque semoule… Ce qui lasse dans la Poésie pure, c’est l’excés de poésie, oui, la pléthore de paroles poétiques, de métaphores, de sublimation – bref, l’excés de condensation – qui épurent ces textes de tout élément anti-poétique et dont l’accumulation fait finalement ressembler le poème à un produit chimique.(…) Et voilà ! ce qui ne voulait être qu’un envol momentané de la prose est devenue programme, système, profession, métier, et l’on devient aujourd’hui poète comme on est ingénieur ou médecin.
Witold Gombrowicz
Gombrowicz nous livre les clés de son esthétique et réfléchit sur la condition humaine. Des pages splendides, émouvantes, sur la douleur nécessaire à la vie, le temps qu’il faut combattre, l’homme prisonnier des reflets de lui-même que lui renvoie autrui, font de ces textes – pour la plupart inédits et introuvables – le témoignage du dernier clown tragique, du dernier grand humaniste du XX° siècle.
Manuel Carcassonne & Christophe Gias
Witold Gombrowicz – Contre les Poètes – Editions Complexe – Le Regard Littéraire – 1988 – Préface de Manuel Carcassonne & Christophe Gias