Souvenir de collège (après Neil Young).
En 3ème, nous avions un drôle de prof de musique. La cinquantaine (enfin l’idée que je m’en faisais quand j’en avais 15 😉 vieux quoi…), mais beau, quoique le nez un peu rouge de trop d’alcool, toujours titubant. Nous l’adorions – enfin pas tout le monde, mais quelques uns – car il était atypique, un marginal. Il avait une façon de nous parler comme si nous étions des adultes qui n’était pas si commune… Monsieur Sigrist, je me souviens de son nom. Son frère accompagnait Gilbert Bécaud à l’époque. Lui il enseignait à des morveux… Peut-être l’histoire de sa vie.
Un jour d’hiver, il est entré dans la classe, plus titubant que d’habitude, le nez encore plus rouge. Il était clairement ivre. Il s’est effondré péniblement sur le tabouret, devant son piano, et nous a parlé d’un type qui venait de mourir, un grand, un immense, qui grommelait tout en jouant, Erroll Garner qu’il s’appelait. Il a étouffé un sanglot, essuyé une larme, puis nous a dit : « silence, je joue » et nous a fait un récital tout le reste de l’heure.
J’étais subjugué, fasciné par ce que je voyais, écoutais. Le piano, le rythme, la sensibilité, et ce personnage, cet adulte, qui avait osé pleurer devant nous, se montrer ivre. Se montrer nu.
Peut-être pour ça que j’ai aimé le jazz, un peu après…